Logo Hub Rural
Home > News

L’accès aux terres agricoles en Afrique subsaharienne menacé par le changement climatique

L’accès aux terres agricoles en Afrique subsaharienne, une des clés du développement

Les terres agricoles africaines sont menacées par le changement climatique et la croissance démographique et convoitées par des intérêts commerciaux et alimentaires extérieurs aux communautés locales.

Pour réfléchir aux défis auxquels font face les peuples du continent, une conférence sur l’accès aux terres agricoles en Afrique s’est tenue lundi 24 juin 2013 à l’Ifri (Paris), avec le soutien du Conseil supérieur du notariat.

Cadre d’analyse par l’Ifri

L’Afrique subsaharienne connaît actuellement des transformations rapides et de très grande ampleur : croissance économique forte, explosion démographique et urbanisation rapide devraient perdurer pendant plusieurs décennies. Sa population a dépassé le milliard d’individus. L’accroissement démographique et urbain accentue la demande pour les systèmes agro-pastoraux des pays du sud du Sahara. Cette tension sur les systèmes agricoles africains, conjuguée aux besoins alimentaires planétaires croissants et à la nouvelle demande internationale en biocarburants, exacerbe la pression sur les terres agricoles du continent.

Celles-ci sont en effet de plus en plus convoitées par de nombreux acteurs aux profils différents, du global au local, avec des conséquences parfois dramatiques pour les communautés locales.

La régulation de l’accès aux terres agricoles est plus que jamais nécessaire pour protéger les droits des populations rurales et pour un développement auto-centré. L’accès des paysans à la propriété foncière est l’une des conditions d’un développement du secteur. Une politique claire et volontariste de la part des États est désormais incontournable pour encadrer les acquisitions et les exploitations de terres.

Ce sont ces thématiques que cette conférence se propose d’étudier à travers trois tables rondes.

La première situera la question foncière dans les enjeux démographiques et alimentaires globaux en insistant en particulier sur l’accélération de la compétition pour l’accès au foncier dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, une compétition globale (phénomène dit du Landgrabbing) mais aussi une compétition sur le plan national et local entre différents acteurs.

La deuxième table ronde abordera la question des droits fonciers qui se chevauchent, le rôle de certaines chefferies coutumières dans l’exploitation et la capacité d’accès aux terres agricoles ainsi que les difficiles mises en place de politiques foncières de certains États.

Enfin, la troisième table ronde traitera de l’accès à la terre pour les paysans comme de l’une des conditions de l’amélioration de leur condition. Cette table ronde se penchera en particulier sur les exemples de mises en place des titres simplifiés.

Compte-rendu de la 3e table ronde : un accès au foncier comme enjeu de développement, l’exemple du titrement (TSS)

Cette table ronde a réuni Maître Abdoulaye Harissou, président du groupe de travail « titrement » à l’Union internationale du Notariat Latin, Didier Nourissat, notaire et coordonnateur de la commission titrement du Conseil Supérieur du Notariat, Bachir Deye, représentant de l’Assemblée parlementaire de la francophonie et Michel Merlet, directeur de l’association aGter, le tout sous la présidence de Florence Liégeois, de RCN Justice et Démocratie.

Didier Nourrissat est revenu sur l’exemple réussi des guichets fonciers ruraux mis en œuvre à partir de 2005 à Madagascar. Cette démarche décentralisée, voulue par le pouvoir politique, est aussi plus économique : l’utilisation des photos aériennes s’est substituée à celle d’experts géomètres.

Maître Harissou (lire également l’interview) a expliqué en quoi consiste le TSS, type de titre foncier à même de renforcer la sécurité juridique des agriculteurs africains à grande échelle, à l’heure où de grands intérêts commerciaux étrangers acquièrent des espaces agricoles immenses en Afrique, tandis que l’informel défaille (corruption de la chefferie "mystique", fin de la parole donnée). La méthode choisie, celle d’une loi-cadre transnationale, a déjà été éprouvée avec l’exemple réussi de l’Ohada (droit des affaires).

Bachir Dieye a renouvelé le soutien des parlementaires francophones pour le projet TSS, qui fait l’objet d’un grand intérêt et doit encore être discuté à Abidjan prochainement.

L’agronome Michel Merlet a lui choisi d’appeler à la prudence, pointant du doigt la non-reconnaissance des droits endogènes et l’absence de solution unique "miracle". Il craint notamment un mouvement d’appropriation de terres communes, avec un phénomène d’enclosure comme dans la Grande-Bretagne d’il y a quelques siècles, qui avait causé pauvreté et exode rural. Il convient de préciser que le TSS, conçu comme un titre de micro-propriété foncière, comporte une clause d’inaliénabilité qui le rend possible à hériter, mais invendable en-dehors du village.

L’espoir commun aux participants était, si le TSS est bien délivré à des centaines de milliers d’Africains ruraux, de voir baisser le nombre de conflits liés aux questions foncières (prédominants actuellement devant les tribunaux africains) et de voir d’autres bénéfices comme une hausse de l’investissement productif grâce à l’hypothèque de titres et la mise en place d’une fiscalité foncière. Rendez-vous est donné dans 18 mois pour la présentation de la loi-cadre du TSS aux parlements francophones.

Source : StarAfrica via farmlandgrab.org

Crédits: AK-Project