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CEDEAO- Commerce et sécurité alimentaire en Afrique de l'Ouest: Les acteurs s’activent pour la facilitation des échanges de produits agricoles

La libre circulation des produits agricoles en Afrique de l’Ouest est un des défis majeurs pour une contribution efficace du commerce régional à la sécurité alimentaire. La problématique a fait l’objet de plusieurs réflexions concertées au niveau régional.

En 2013, diverses réflexions concertées aux niveaux techniques et politiques ont été organisées sur la problématique du commerce régional et de la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest.

Aussi bien les Organisations d’intégration régionale (CEDEAO, UEMOA, CILSS) et leurs partenaires, ainsi que les acteurs non étatiques (notamment POSCAO et ROPPA) se sont activés afin d’appréhender les enjeux de gouvernance économique pour la sécurité alimentaire et d’améliorer la contribution du commerce régionale.

Du 29 au 31 Janvier 2013, à l’initiative conjointe de la CEDEAO, de l’UEMOA et de l’USAID, s’est tenue à Accra, en République du Ghana, une conférence régionale sur le thème : "la libre circulation des produits alimentaires : améliorer la sécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest par le développement du commerce intra-régional". L’objectif, à en croire les organisateurs, était de "stimuler le dialogue entre les secteurs public et privé et d’identifier des mesures pour réduire les contraintes au commerce régional des produits alimentaires de base".

Les 22, 23 et 24 janvier 2014 à Ouagadougou (Burkina Faso), la question a encore fait l’objet d’une retraite des parties prenantes pour analyser la mise en œuvre des recommandations issues de la conférence d’Accra.

A en croire, Docteur Soulé Bio Goura du LARES, "les échanges intra régionaux de l’Afrique de l’Ouest représentent 11% du commerce global de la CEDEAO alors que pour l’UE (son principal partenaire) le commerce intra régional représente près de 80% de son commerce global".

Les entraves au commerce

En Afrique de l’Ouest, de nombreuses entraves au commerce persistent malgré l’existence d’un schéma de libéralisation. La CEDEAO est aujourd’hui une zone de libre échange et projette d’être une union douanière dès le 1er janvier 2015.

L’aboutissement du processus de l’union douanière, avec la mise en place du TEC, est attendu comme une évolution majeure susceptible de booster le commerce régional en Afrique de l’Ouest. Le TEC est prévu pour être mis en œuvre en janvier 2015 avec un moratoire de cinq ans, période au cours de laquelle les discussions se poursuivront sur un certain nombre d’aspects et de sujets qui n’ont pas encore fait l’objet de consensus, notamment ceux concernant les dernières réserves soulevées par le Nigeria lors de la réunion de Praia en 2013.

Outre les entraves routières, les problèmes de change avec l’existence de plusieurs monnaies, renchérissent les coûts des marchandises et limitent le commerce régional. Lors de la conférence d’Accra sur la libre circulation des produits agricoles, les participants ont discuté particulièrement des entraves et obstacles au commerce régional, notamment en ce qui concerne : les tracasseries routières, le prélèvement de taxes illicites, les restrictions à l’exportation des céréales et autres produits vivriers que décrètent les Etats à l’occasion des crises alimentaires, la question des certificats d’origine, les certifications vétérinaires, sanitaires et phytosanitaires, et l’application de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) aux produits du crû originaires de la région.

Partant de ces constats, les participants ont conclu que "les obstacles formels et surtout informels limitent l’extension du commerce, et en renchérissant le prix des produits, freinent leur accessibilité pour la plupart des consommateurs et en particulier les pauvres. De la même façon, ces entraves induisent une pression à la baisse sur la rémunération des producteurs, freinant ainsi leur capacité d’investir pour améliorer la productivité. Enfin ces obstacles aux échanges créent un climat d’incertitude très préjudiciable à l’investissement des différents acteurs des chaines de valeur".

Que faire ?

Les participants ont formulé à l’endroit des acteurs de la région cinq recommandations fortes :

  • a. Assurer une bonne communication des règles en vigueur auprès des différents publics cibles (agents des services aux frontières, opérateurs économiques et organisations professionnelles) en mettant à contribution les médias à tous les niveaux (local, national et régional) ;
  • b. Veiller au respect de la réglementation, ce qui induit des responsabilités spécifiques au niveau des institutions publiques nationales et régionales, et au niveau des différentes catégories d’opérateurs et de leurs associations et organisations professionnelles ;
  • c. Mieux documenter l’importance du marché régional dans la sécurité alimentaire de chaque pays et de la région ;
  • d. Développer le plaidoyer dans chaque pays et structurer le dialogue public/privé à cette échelle pour amener les Etats à respecter les engagements qu’ils ont pris au niveau régional ;
  • e. Doter la région d’une politique commerciale intégrée.

Au plan politique après la tenue de la conférence sur la libre circulation des produits agricoles en Afrique de l’Ouest, la région a enregistré un certain nombre d’initiatives visant à promouvoir le marché régional et les échanges des produits agricoles en Afrique de l’Ouest.

La décision prise par les chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO, lors de leur conférence économique du 25 octobre 2013 à Dakar, de faire de la région une union douanière, à compter du 1er Janvier 2015, constitue une avancée fondamentale en matière de politiques commerciales favorables à la libre circulation des produits agricoles.

Dans le même temps, les chefs d’Etat et de Gouvernement ont lancé le chantier de la formulation de la politique commerciale de la Communauté et mandaté leur pair du Burkina-Faso, Son Excellence, Monsieur le Président Blaise COMPAORE, de présider un groupe de réflexion chargé de trouver des solutions aux multiples obstacles qui limitent la fluidité du commerce intracommunautaire.

Les constats du CILSS et de BORDERLESS

Le suivi des échanges et des tracasseries routières effectué par le Comité Inter Etats pour la lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS), à travers certains corridors, ont montré qu’en dehors du Niger et du Bénin, les échanges communautaires connaissent moins d’entraves que par le passé. Mais globalement les faux frais payés par les acteurs pour la circulation des personnes et des biens persistent dans tous les pays et restent à des niveaux nuisibles au commerce régional.

A quelques nuances près, l’Alliance Borderless a fait le même constat, sur la base des données (concernant les tracasseries, les délais et les coûts illicites) recueillies par l’Observatoire des pratiques anormales (OPA). Pour cet observatoire, mis en place pour les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), des obstacles et entraves fortement nuisible au commerce régional persistent notamment sur le corridor Abidjan-Lagos.

En termes d’appréciation de qualité, le Togo suivi du Ghana et de la Côte d’Ivoire sont perçus comme les meilleurs élèves de l’OPA en termes de réduction des tracasseries et des coûts de transaction.

Sur la base des constats de l’OPA, les acteurs du secteur privé se sont coalisés pour créer l’alliance BORDERLESS. Cette alliance a mis en place des centres frontaliers d’assistance technique aux opérateurs économiques.

De l’avis de plusieurs opérateurs économiques, l’ananas produit au Bénin se retrouverait sur le marché français ou belge en meilleure qualité et à un coût de revient moins élevés que sur le marché sénégalais ou libérien.

Les travaux réalisés, dans le cadre du projet ATP (sur financement de l’USAID) ont mis en relief l’existence, voire la persistance de nombreux obstacles qui contrarient la fluidité des échanges commerciaux. Au nombre de ses obstacles aux échanges figurent : (i) la persistance de multiples fragmentations des politiques commerciales et monétaires, (ii) les problèmes sécuritaires, (iii) les imperfections et la corruption des administrations de contrôle, (iv) la sous information chronique des acteurs sur les dispositions communautaires sur le commerce régional, (v) la propension de certains Etats à prendre des mesures d’interdiction d’exportation des produits vivriers, céréaliers notamment, lors des crises alimentaires et (vi) la complexité des procédures pour obtenir les agréments auprès des ministères de l’industrie et du commerce. Ces obstacles sont matérialisés par la multiplication des points de contrôle le long des principaux corridors, et la multiplication des taxes illicites. Cette situation renchérit les prix des marchandises, une fois parvenues à destination.

Le cas du Bénin

Pour beaucoup d’opérateurs économiques de la région, le Bénin reste une grande entrave au commerce régional. Contrairement à beaucoup de pays de la région, outre les douaniers, gendarmes et policiers, l’armée fait du contrôle routier et raquette les opérateurs économiques, à en croire les témoignages recueillis.

A la frontière Sèmè-Kraké (l’une des plus difficiles), lors d’un passage des enquêteurs, il a été relevé sur environ deux cent mètres dix sept postes de contrôles dont certains tenus par des civils représentants des syndicats et des chefs traditionnels.

Pour les représentants de la société civile, les données de BORDERLESS et du CILSS sur les entraves au commerce régional méritent d’être portées à la connaissance des autorités au plus haut niveau de l’UEMOA et de la CEDEAO lors des conférences des Chefs d’Etat et des conseils des Ministres. Ils insistent sur la nécessité d’élargir le mandat de la Cour de justice de la CEDEAO pour prendre en compte les infractions aux règles sur la libre circulation et les entraves au commerce régional. Le Directeur exécutif de Hub Rural, Dr Yamar Mbobj, a renchéri en indiquant qu’il convient de rapprocher les travaux du CILSS et de BORDERLESS et d’élargir leurs activités à la société civile avec implication des médias.

Contribution de POSCAO

La POSCAO a rappelé son mandat et engagement dans le cadre du processus Ecowap/PDDAA. Elle a fait le point de ses activités en lien avec son mandat et engagement et dégager des perspectives pour la coordination OSC-Ecowap/PDDAA.

En termes de perspectives, l’accent a été mis sur :

- La production d’un rapport semestriel mettant en exergue la contribution de POSCAO et de ses composantes au processus Ecowap/PDDAA
- La production d’une note d’information et d’analyse de politique chaque trimestre
- Des échanges d’information avec les journalistes économiques avec l’organisation d’ateliers de dialogue et d’investigation
- Elaboration d’un manuel de formation sur le contrôle citoyen de l’action publique (CCAP) concernant les politiques agricoles et de sécurité alimentaire.

Dès sa création en 1975

Dès sa création en 1975, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a fait de la libre circulation des personnes et des biens, un enjeu majeur pour la promotion du marché régional et la construction de l’intégration économique de la région. En 1979, elle lance le Schéma de libéralisation des échanges. L’objectif visé est de "créer une zone de libre échange afin de : (i) promouvoir le développement de l’entreprenariat dans la région ; (ii) accroître le commerce intra-régional et stimuler l’activité économique ; (iii) améliorer la compétitivité de l’Afrique de l’Ouest sur le marché mondial ; (iii) augmenter le PIB des Etats membres et améliorer ainsi le bien-être des citoyens".

Le schéma de libéralisation des échanges constitue un des acquis majeurs du processus d’intégration économique régionale. Il a permis le développement des échanges intracommunautaires, notamment en ce qui concerne les produits du crû, le bétail (estimé à plus de deux millions de têtes) et les céréales (pour plus de 3 millions de tonnes par an, hors réexportation et transit).

Selon les statistiques officielles de la CEDEAO, les échanges intracommunautaires ont connu un accroissement important au cours des dix dernières années. Toutes transactions confondues, la valeur des échanges intracommunautaires est estimée en moyenne à 15 milliards de dollars par an sur les cinq dernières années.

En dépit de l’évolution positive notée au cours des dix dernières années, les échanges intracommunautaires ne représentent, en valeur, que 11 à 12% des échanges globaux de la région et correspondent en moyenne à environ 50 dollars de transactions par habitant par an. Ce qui est largement en deçà des potentialités de la région dont le Produit intérieur brut (PIB) en 2012 était estimé à 564,86 milliards de dollars US.

Par :

Abel Gbêtoénonmon

Agence Afrique Performance

Coordination POSCAO-EcowapPDDAA

Email : ggbbeettaa@yahoo.fr

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