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Burkina Faso: Valorisation du souchet - Une mauvaise herbe devenue une culture de rente

Jadis considéré comme une mauvaise herbe, le souchet fait l'objet, depuis quelques années, d'une attention particulière de la part des producteurs, des autorités, également des chercheurs. Serait-il devenu une culture de rente pour le Burkina Faso ?

Originaire de la zone méditerranéenne, appelé souchet tubéreux, souchet sucré, souchet sultan, amande de terre, pois tigré ou pois sucré, de son nom scientifique, Cyperus esculentus, le souchet est une plante vivace aux fruits cylindriques ou ronds de couleur brune ou jaune.

Cette plante qui se cultive en toutes saisons sans difficulté, "préfère", selon certains spécialistes, un sol légèrement sableux ou sablo-argileux ou légèrement argileux, condition sine qua non de son développement.

Au Burkina Faso, sa pratique a longtemps été une activité des femmes des régions des Hauts-Bassins, de la Boucle du Mouhoun, des Cascades et du Sud-Ouest qui ont vu en lui très tôt, une source de revenus.

Mais de nos jours, la culture du souchet attire bon nombre de producteurs sur presque toute l’étendue du territoire du fait de son apport économique. Mettant ainsi à contribution la recherche qui travaille à trouver des variétés adaptées à chaque zone.

« Le souchet a sa zone de prédilection : il est habitué à l’eau, au sol et aux maladies et son transfert dans une autre zone nécessite de la recherche, l’exploration d’une variété adaptée à cette zone », a expliqué le directeur de la station de recherche de l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA) à Farakoba, Jacob Sanou.

A l’entendre, depuis 2009, l’INERA, avec l’appui du ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation, a entrepris des recherches pour mettre à la disposition des producteurs, des variétés de souchet adaptées aux différents types de sols afin de booster la production.

Pour ce faire, des structures telles que l’INERA appuient les producteurs pour les densités, les variétés, la fertilisation, les bonnes pratiques culturales, de conditionnements et de récoltes.

L’Institut de recherche en sciences appliquées et de technologie (IRSAT) œuvre également à mettre à la disposition des transformateurs, du souchet en quantité et de qualité et du matériel performant pour la production et la transformation.

Les motivations d’un regain d’intérêt

Cultivé au départ pour la consommation locale, l’on trouve de nos jours, des produits à base du souchet tels que la farine, le lait ou nectar, la bière, le chocolat, le tourteau.

Le précurseur de produits à base de souchet est Jean Claude Pooda qui, après plusieurs années de recherche, a mis au point un procédé d’extraction d’huile de souchet.

Toute chose qui lui a permis de remporter le premier prix lors de la Foire de la recherche scientifique et de l’innovation technologique (FRSIT) 2010 et d’obtenir un brevet invention auprès de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI).

Cette huile, dont les qualités nutritives et thérapeutiques ont été prouvées, est comparable à l’huile d’olive ou de foie de morue et est très recherchée.

Et de l’avis de Jérôme Bélem, chercheur à l’INERA/Kamboinsé, l’avenir de la filière repose surtout sur la capacité des acteurs de la transformation à produire une huile de qualité, commercialisable partout dans le monde. Il a d’ailleurs déploré que ce regain d’intérêt pour la filière si porteuse n’ait pas été perçu plus tôt.

Car, dit-il : « Au niveau de la recherche, nous avons inscrit le souchet comme priorité de recherche dans les années 90, afin de trouver de meilleures variétés pour les producteurs ».

A l’époque, affirme-t-il, les moyens de l’Etat étant limités, le projet n’a pas reçu l’aval des autorités. On peut donc aisément comprendre que la découverte de M. Pooda soit le "percuteur" qui a poussé le département en charge de la recherche, à prendre à bras-le-corps, l’émergence de la filière, depuis 2012.

Une machine grippée

Outre la disponibilité en eau qui est un impératif dans la production du souchet, l’ensemble des maillons de la production (culture, transformations, commercialisation) est confronté à des difficultés.

Si la pratique a longtemps été le domaine des femmes, l’implication des hommes dans la culture du souchet ces dernières années a soulevé un problème de disponibilité de terres cultivables.

Cette disponibilité qui s’accompagne d’un manque de variétés bien adaptées à chaque zone, a mis en contribution la recherche qui se voit obligée de trouver des variétés adaptées à chaque zone. Selon M. Jérôme Bélem, toutes les variétés qui sont sur le terrain sont des écotypes.

Comment donc produire en quantité lorsque les conditions ne sont pas réunies ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que la non-maîtrise des techniques culturales, de la fertilisation, l’indisponibilité des semences et le manque de surface réservée à la production sont des entraves pour la filière.

Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt, car si les difficultés soulevées plus haut constituent des obstacles pour la production, le talon d’Achille reste la récolte qui ne dispose pas d’équipements adéquats. Ce travail, qui se pratique toujours à la main, est un frein au développement du sous-secteur.

La découverte du procédé d’extraction de l’huile de souchet à permis de booster la production et de résoudre, par la même occasion, le problème d’achat bord-champs. Cependant, faut-il le reconnaître, la partie transformation est confrontée au manque de financement.

« J’ai fait le tour de toutes les banques et aucune structure ne veut investir dans la transformation, or il nous faut de l’argent pour l’achat de la matière première », a expliqué M. Pooda.

En cela, il faut ajouter le manque d’équipements performants pour l’extraction de l’huile en quantité, l’insuffisance d’emballages pour le conditionnement et le problème l’étiquetage et de transport qui constituent, entre autres, des contraintes pour les transformateurs.

Outre cet état de fait, pourquoi les transformateurs burkinabè sont-ils préoccupés ? Cultivé un peu partout en Afrique, la technique d’extraction de l’huile est d’origine burkinabè avec Jean Claude Pooda comme inventeur.

Cette technique, protégée par un brevet d’invention en date du 31 décembre 2012 par l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle et qui produit ses effets dans chacun des seize Etats membres, confère au Burkina Faso, tous les droits d’exploitation pour une durée de 20 ans.

La société de transformation agro-alimentaire du Burkina (STAB) de M. Sori Sanogo, basée à Bobo-Dioulasso, l’une des deux sociétés de fabrication d’huile de souchet (NDLR : il y a également la Société des huiles du Faso de Jean Claude Pooda en difficulté) est encore au stade de recherche-développement avec une production moyenne de 3 tonnes de souchet/jour.

Et M. Sanogo de préciser : « Pour le moment, nous sommes les seuls à produire l’huile de souchet en Afrique. Mais il faut reconnaître que nous n’allons pas le demeurer pendant longtemps. D’autres pays comme le Ghana, le Nigeria, le Niger, le Mali et la Côte d’Ivoire cultivent également le souchet.

Et si on n’y prend garde, ces pays risquent de nous devancer sur le marché international où l’huile est très sollicitée car les transformateurs bénéficient de l’appui des banques en place dans leurs pays respectifs ».

Vendu autour 12 000 F CFA la tine et à 500 F CFA la boîte de tomate d’un kg et demi, le souchet connaît actuellement une mévente dans sa commercialisation.

Pour cause, sa seule destination est le marché local. Même si ces dernières années, la destination Espagne est convoitée par les commerçants, il n’en demeure pas moins que la qualité du souchet fait qu’il n’est pas compétitif sur le marché international.

Toute chose qui a fait dire à Mme Habibata Ouattara, commerçante au marché de Niénéta (Bobo-Dioulasso), que la vente du souchet est encore à un stade local et que son exportation va nécessiter de l’ensemble des acteurs, une organisation conséquente.


Un cadre institutionnel pour booster la production

Le Burkina Faso produit annuellement plus de 15 000 tonnes de souchet. Fort de sa contribution à l’économie des populations, le ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation a lancé un projet triennal de valorisation de cette culture de rente.

Malgré ses vertus thérapeutiques et sa contribution à l’économie nationale (14 milliards de F CFA en moyenne par an à partir de 2010), la promotion de la culture du souchet n’a pas eu jusqu’à une date récente, la même cote que les autres spéculations dans les politiques publiques.

Mais le « dynamisme » du marché du souchet a fini par convaincre le ministère en charge de l’agriculture de lancer, d’abord timidement en 2007, un premier programme de promotion de la filière qui n’a pas été suivi d’effet.

C’est en 2011 qu’un autre programme d’amélioration variétale, de transformation et de vulgarisation des techniques de production de souchet, a vu le jour sous la houlette du ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation.

Le lancement le 10 janvier 2014 à Bobo-Dioulasso de la Plateforme d’innovation multi-acteurs (PIMA) du souchet, est venu compléter le dispositif mis en place pour booster la filière. Le PIMA est un cadre permanent de rencontres entre des producteurs, transformateurs, négociants, bailleurs de fonds et chercheurs en vue de la valorisation de la culture.

Conformément aux attentes du ministère en charge de la recherche scientifique, les acteurs ont, dans un laps de temps, partagé leurs expériences et acquis sur la filière souchet.

Ils ont également identifié les difficultés, les potentialités et les opportunités de cette filière avant de formuler des propositions en vue de sa promotion. Mais force est de reconnaître qu’à l’heure actuelle, l’animation de la PIMA dans les différentes régions pose problème, à cause du manque d’organisation des acteurs sur le terrain.

C’est conscient qu’à terme la valorisation du souchet va permettre de lutter contre la pauvreté en milieu rural et améliorer la sécurité alimentaire que la coordinatrice du projet, Aguiratou Sawadogo, chercheur à l’IRSAT, projette aller sur le terrain pour former les producteurs aux bonnes pratiques culturales, de transformation et de commercialisation.

« Nous utilisons une nouvelle stratégie qui est la plate-forme multi-acteurs. Elle met ensemble plusieurs acteurs de la filière afin de trouver des solutions pour sa promotion », avait-elle expliqué lors du lancement du programme.

Par Donald Wendpouiré NIKIEMA

Source : www.sidwaya.bf

Crédits: AK-Project