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Sénégal: Politique agricole de santé et nutrition pour un nouveau paradigme

La question de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle est devenue structurelle en Afrique de l’Ouest, et dans le monde, actuellement, près de 1 milliard de personnes souffrent de ne pas avoir assez de calories pour mener une vie saine. Ce constat stupéfiant montre le nombre encore élevé de personnes ayant un accès limité à des aliments nutritifs, tels que les fruits et légumes, la viande, le poisson, les produits laitiers et les aliments de base bio fortifiés.

Les carences en vitamines et minéraux, comme la vitamine A, le fer et le zinc... influent sur la survie, la santé, le développement et le bien-être. La faible consommation de fruits et légumes est également est associée à un risque accru de maladies chroniques liées à l’alimentation (diabète, maladies cardio-vasculaires, obésité... ).

Manger est un droit fondamental.

Von Braun J.et Al pensent que les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) constituent un ensemble unifié d’objectifs globaux, de réduction de la pauvreté en principe. Donnant ainsi une occasion pour surmonter les clivages sectoriels et l’établissement de liens efficaces, entre l’agriculture et la santé. L’agriculture et la santé qui sont importantes pour la plupart des OMD et des synergies positives, pourraient ainsi lier la politique agricole et celle de la santé, de la mise en œuvre des programmes, et la recherche des moyens qui profiteront aux deux secteurs, pour faire progresser la réalisation des OMD. Mais ces liens ne se sont pas matérialisés, à travers des voix les plus propices et les plus durables, ce qui est le cas de nos jours.

Par ailleurs, le double fardeau de la malnutrition (sur nutrition et sous nutrition), met à nu le fait que dans les pays pauvres et les pays à revenus intermédiaires, les transitions démographiques et alimentaires sont liées, loin des zones rurales. Et les aliments traditionnels, dans les centres urbains avec les aliments à forte densité énergétique plus transformés, sont considérés comme facteurs à la base de l’augmentation des taux d’incidence des maladies non transmissibles comme le diabète, l’obésité l’hypertension et les maladies cardiovasculaires... . Cette situation complexe est aussi liée aux processus politiques, sociaux, économiques et physiologiques, ce qui exige plus de recherche, si nous voulons mieux comprendre et intervenir (The Role of Agricultural and Food Systems Research in Combating Chronic Diseases for Development. Report of the workshop London 2011).

D’un autre côté, la disponibilité limitée, les contraintes économiques , le manque de connaissances et d’informations, (pouvant influencer les modes de préparation et de diversification alimentaire à travers le cycle de la vie) et la faible demande pour des aliments nutritifs sont des facteurs limitants, pour l’accès des groupes vulnérables à ces aliments, souvent victimes du marketing de masse.

Depuis la crise du Niger de 2005, la crise de 2008, les effets néfastes des « changements climatiques » en 2012 dans nos pays, des efforts sont menés pour améliorer, la sécurité alimentaire, la souveraineté alimentaire, l’autonomie alimentaire ou l’autosuffisance alimentaire, c’est selon. Dans cette foulée, un consensus a été partagé, pour que la nutrition ait une place intégrante dans les politiques ou les programmes agricoles (Rencontres régionales, Burkina 2005, Mbour 2007, Nouakchott et Freetown 2008... ). Finalement la décision a été de saisir l’ancrage des PNIA (rencontre de Dakar 2011)1.

Pour Per Pinstrup, traditionnellement, un pare-feu invisible, a toujours séparé l’agriculture de la santé et des secteurs de la nutrition. Ce qui se voit dans la formation de niveau universitaire, dans la recherche et dans la mise en œuvre des programmes et projets, où l’on remarque, qu’une partie est domiciliée dans le domaine agricole et une autre dans la santé ou ailleurs. Ce pare-feu, s’étend aux organisations de développement et les ministères (sectoriels) des gouvernements. Pourtant l’évidence, selon lui, suggère que les projets agricoles, auraient un plus grand impact sanitaire et nutritionnel, si les objectifs de santé et de nutrition ont été explicitement intégrés, dans leur conception et leur mise en œuvre.

En effet, même si de plus en plus de programmes agricoles prennent en compte la dimension nutritionnelle ou de résilience (face à une insécurité alimentaire structurelle, surtout dans le sahel), la traduction opératoire reste très marginale en Afrique de l’Ouest, particulièrement.

Ce « firewall », dans la formulation des politiques, le développement des programmes, trouve sa « légitimité », dans les limites de la technoscience érigée en idéologie, sur la base d’un fondement paradigmatique positiviste et non constructiviste. Cette vision/action, s’intègre aussi dans la logique d’intérêt (inter-esse) disciplinaire ou de groupe (tel que pensé par Heidegger), impliquant un certain nombre d’acteurs, une classe, une forme d’intelligentsia (problem setters/solvers de Morin) ; mais aussi par refus d’accepter la complexité de la problématique de cette intégration intersectorielle et pluridisciplinaire, que l’on voudrait substituer à de simples plans stratégiques et plans opérationnels, lesquels sont pensés à travers le même « mindscape », pour l’émergence.

Cette approche, réductrice, confortable, pour les décideurs, se faisant en sens unique, dans une dynamique de construction fait abstraction de la relation récursive Piagétienne, sujet-objet-projet, mais aussi de la nécessité de déconstruction et de reconstruction, (rappelant Derrida) indispensable pour une rupture idéologique, donc paradigmatique. Ce qui réduit ainsi toute la complexité de la résolution du problème à l’unique aspect méthodologique (qui convient aux bailleurs, quitte à reproduire leurs modèles) pour occulter les questions historique, ontologique et téléologique, où l’on retrouve les attentes et les perspectives de nos communautés.

Ainsi, il n’est pas donc pas surprenant de voir à travers ces deux secteurs (agriculture et santé), la mise en œuvre d’une multitude de programmes désarticulés, dans un même secteur, sans synergie, ne facilitant pas ainsi toute forme intégration. Comme exemple on peut voir une communauté riche (disons sans problèmes d’insécurité alimentaire, quantitativement) avec des forts taux de malnutrition. Ailleurs, dans une même communauté, on voit des enfants malnutris sur le dos de femmes obèses et dans les deux situations, des populations qui commencent à se demander pourquoi tant d’AVC.

Hawkes et Ruel pensent, qu’en théorie le secteur de l’agriculture pourrait aider à résoudre ce problème (de clivage sectorielle avec la santé), en aidant les groupes à risque à générer plus de revenus, par la fabrication d’aliments nutritifs plus disponibles, abordables, (culturellement ) acceptables et de qualité supérieure (en termes de valeur ajoutée, nutritive ou économique). Les Programmes de développement agricole qui visent à améliorer la nutrition ont tendance à se concentrer sur la production agricole et de la consommation par les ménages de producteurs.

Il faut noter que l’approche basée uniquement sur la logique productiviste (disponibilité) qui ne prend pas en compte, l’accessibilité, la stabilité, la diversité, reste prédominante. Ce qui limite le volet important, relatif aux modes de préparation de transformation et de consommation, pour améliorer la santé, la nutrition et le bien-être des populations.

Pourtant, les liens entre ce qui est produit à la ferme, le consommateur, et les revenus perçus par le producteur ne s’arrêtent pas à la porte de la ferme. Loin de là, car la nourriture est stockée, distribuée, traitée, vendu au détail, préparée et consommée avec une gamme de pratiques, qui affectent la disponibilité, l’accessibilité, l’acceptabilité et la qualité nutritionnelle des aliments pour le consommateur. Selon ces auteurs, si vraiment, le secteur de l’agriculture doit jouer un rôle plus important dans l’amélioration de la nutrition, il faut se concentrer davantage sur ce qui se passe entre la phase de production et la consommation.

Une façon d’aborder cette question est de penser à la « chaine de valeurs », les concepts, l’analyse et les approches. Les approches chaîne de valeur sont déjà utilisés comme stratégies de développement, visant à améliorer les moyens de subsistance des producteurs de denrées alimentaires, mais ils ont à ce jour été rarement utilisés explicitement, comme un outil pour atteindre les objectifs nutritionnels, (donc de santé et de bien-être).

En priorité, des objectifs autres que l’amélioration de la nutrition, sont poursuivis par de puissants intérêts économiques et politiques, à la fois dans le secteur agricole et la chaine des valeurs post- récolte ; les agriculteurs et des autres acteurs économiques, intervenant dans les filières, visent à s’enrichir avec des niveaux raisonnables de risque ; les gouvernements mettent en œuvre des politiques, qui sont compatibles avec les intérêts des puissants groupes politiquement très influents ; enfin les populations souffrant de malnutrition, sont rarement parmi ces intérêts, de même que ceux exposés aux maladies non transmissibles.

Les défis de la sécurité alimentaire et nutritionnelle sont complexes, il faut reconnaitre que dans bien des cas, les leviers des solutions, se trouvent en dehors de l’agriculture et de la santé.

L’insécurité alimentaire et nutritionnelle (dans le sens du double fardeau) et la résilience ont des causes multiformes, qu’on ne pourrait énumérer.

Tout le monde reconnait l’urgence, cependant il faut reconnaitre aussi que cette problématique n’est pas que cartésienne. Ce que nous apprend la pensée complexe, mais elle devrait appeler à plus de conscience en science, dans un contexte de globalisation qui a affecté les systèmes de production au plan mondial (The Effects of Globalization on food systems FAO 2004).

De ce point de vue, il faut y ajouter « La Recherche sur le processus d’élaboration des politiques, afin de de mieux comprendre les facteurs nécessaires, pour une plus grande coopération entre l’élaboration des politiques dans l’agriculture, la nutrition et la santé, y compris l’étude de l’économie politique de l’agriculture et de la santé liés aux maladies non transmissibles (comme la malnutrition) et les facteurs qui entraînent la prise de décision dans les différents secteurs ». Une recherche qui se voudrait systémique pour plus de cohérences dans les politiques publiques, dans les secteurs de l’agriculture et de la santé et autres

En effet, il existe une confirmation d’une l’hypothèse plausible selon D. Headey, que la croissance économique réduit la malnutrition infantile, à travers cinq canaux importants : l’augmentation des disponibilités alimentaires (mais il faut aller plus loin), la réduction de la pauvreté ( ?), l’amélioration de l’éducation des femmes, l’accès accru aux services de santé, et l’amélioration des programmes (résultats) de la planification familiale.

Il n’est pas ainsi pas tard de repenser la formulation de nos politiques agricole et de santé/nutrition, avec des objectifs de survie, au-delà des slogans.

Par Dr Thiam Ismael

UFR Sciences de la Santé

Université Gaston Berger-Saint Louis

1 Ces rencontres ont pour la plupart impliqué des agence des NU, des ONG internationales, des structures d’intégration sous régionale (UEMOA, CEDEAO, CILSS), des bi latéraux, la Société Civile (association de producteurs), parlementaires...

i Article inspiré de communications à la Conférence de DELHI publiées par IFPRI en 2011 et de la problématique de l’intégration de l’agriculture, la santé, la nutrition et la résilience en Afrique de L’Ouest, à travers des initiatives en cours ou en vue.

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Source : SudQuotidien

Crédits: AK-Project