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Sénégal: Pêche - Les acteurs locaux crachent sur les accords avec l'UE

Quelques mois après avoir suspendu 29 autorisations de pêche, le gouvernement songe déjà à négocier avec l’Union européenne sur les accords de pêche suspendus depuis 2006. Un projet que dénoncent les acteurs locaux de la pêche qui estiment que le contexte n’y est pas favorable et que les critères ne sont pas réunis.

Le Sénégal et l’Union européenne vont très prochainement se retrouver pour négocier sur les accords de pêche suspendus depuis 2006. Ces derniers consistent en une délivrance de quotas pour un nombre de navires ciblés et sur des espèces, contre une contribution financière établie sur un nombre d’années et versée par tranche. Mais, si ces accords sont très attendus au niveau du Trésor public grâce aux ressources financières qu’ils génèrent pour notre pays, ils ne rencontrent pas l’assentiment des acteurs de la pêche aussi bien artisanale qu’industrielle. Pour eux, il serait impensable de discuter des accords de pêche avec l’Ue dans ce contexte où les critères ne sont pas respectés.

En effet, selon ces derniers, plusieurs aspects, qui doivent être pris en compte, ne sont pas réunis. Il s’agit des évaluations des accords précédents (98-2002, 2002-2006), des fonds de contribution, des évaluations des stocks excédentaires de la ressource à allouer sur avis scientifique, ou encore de l’audit de la flotte nationale. « Le Sénégal n’est pas prêt pour signer un accord de pêche malgré les pressions européennes, relevant des politiques communes de pêche, interprété comme une privatisation de la mer. N’étant pas dans les conditions de satisfaire la sécurité alimentaire de nos populations et d’assurer la réglementation et l’aménagement de nos pêcheries, nous ne sommes pas qualifiés à une négociation d’accords de pêche », dit Mamadou Diop Thioune, leader de la plateforme pêche écologie Green&marines-Africa.

Ce dernier rappelle au gouvernement des mesures de prudence et de précaution. Il pense, en effet, que l’Etat doit préserver la ressource pour les générations futures et relancer l’économie maritime à partir d’une flotte nationale qui passe par la diffusion de l’audit de la flotte et des stocks disponibles, validés par des avis scientifiques. « Nous n’allons pas accepter de nourrir l’Europe quelles que soient les contraintes qui pèsent sur sa population après l’effondrement de leurs stocks. Aujourd’hui, avec 88 % d’effondrement des stocks en Europe, il ne reste que le transfert des possibilités de pêche en Afrique pour satisfaire la consommation des pays de l’inter-land et des consommateurs des façades maritimes. Les pays africains doivent avoir une approche régionale pour négocier le partenariat en lieu et place des négociations pays par pays », poursuit Diop pour qui l’Etat ne doit en aucun cas engager des discussions sans assurer la sécurité alimentaire d’origine halieutique dans un contexte d’intense pêches illicite, illégal, incontrôlé et non déclaré (Inn).

Même son de cloche du côté du Groupement des armateurs et industriels de la pêche au Sénégal (Gaipes). Son secrétaire général, Dougoutigui Coulibaly, que nous avons joint par téléphone, estime que de tels accords seraient insensés. Ce, dit-il, dans la mesure où les possibilités de pêche pour les espèces qui intéressent les Européens sont infimes au Sénégal. Les possibilités sont rares et ne peuvent concerner que les merlus, crabes et autres. « Le gouvernement ne peut pas signer des accords sur les pélagiques qui constituent la base des besoins en protéine animale pour les populations. Signer des accords sur cette espèce, c’est hypothéquer la sécurité alimentaire des Sénégalais », dit Coulibaly. Non sans signaler que ce qui intéresse principalement les Européennes, ce sont les ressources démersales côtières et profondes. Et là, précise-t-il pour les démersales côtières, l’Etat a gelé l’octroi de licences aussi bien pour les nationaux que pour les étrangers depuis 2006.

Quant aux espèces démersales profondes, avec notamment la crevette, Coulibaly s’étonnerait de voir l’Etat donner des licences à l’Ue. Car, fait-il remarquer, il y a un plan d’aménagement qui est en train d’être ficelé. Lequel voudrait qu’on diminue l’effort de pêche au lieu de délivrer d’autres licences qui risqueraient de compromettre tout le travail fait depuis trois ans. Mais du côté des autorités en charge du secteur, il n’y a aucun obstacle à ce que le Sénégal signe un accord de pêche avec l’Union européenne s’il le désire. « Tous ces aspects ne sont pas liés à la signature des accords. Sur les excédents, il faut savoir qu’il n’y a aucun pays du monde qui respecte cela. On avait suspendu les accords de pêche depuis 2006 mais il n’y a pas eu de rupture entre les deux parties. On va discuter et la signature d’accords dépendra des avantages qu’on va tirer de l’offre », dit Moustapha Thiam, directeur des pêches maritimes.

Source : Walfadjri

Crédits: AK-Project