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Le silence des puissances émergentes après le rapport du GIEC

Le Monde / Stéphane Foucart, Nicolas Bourcier et Harold Thibault / 28.09.2013

Un délégué ayant assisté aux négociations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui se sont achevées vendredi 27 septembre à Stockholm, confie que "ce sont clairement l’Arabie saoudite et la Chine qui ont le plus cherché à affaiblir le texte". Un point du cinquième rapport du GIEC en particulier, établissant la quantité de carbone qu’il est encore possible d’émettre en conservant deux chances sur trois de demeurer sous le seuil des 2 ºC de réchauffement, a été combattu par les Saoudiens et les Chinois. Le chiffre est resté mais noyé dans d’autres estimations.

L’âpreté avec laquelle la délégation chinoise a tenté de peser sur le texte a même suscité un incident peu commun : le climatologue chinois Qin Dahe, coprésident du premier groupe de travail du GIEC, est publiquement intervenu auprès de l’un des délégués chinois...

A la surprise de certains participants, les délégations canadiennes et américaines se sont montrées bien plus conciliantes.

En Chine :

Les autorités n’ont pas réagi officiellement mais la presse a largement repris les déclarations de Qin Dahe, coprésident du groupe de travail numéro 1 GIEC et personnalité emblématique. Après avoir participé à l’expédition trans-Antarctique en 1989 aux côtés de Jean-Louis Etienne, cet homme a contribué à porter à la connaissance de l’opinion chinoise le problème de la fonte des glaciers, notamment sur la plateau du Qinghai-Tibet. "L’atmosphère et les océans se sont réchauffés, le niveau des neiges et des glaces a diminué, le niveau de la mer a grimpé et la concentration de gaz à effet de serre a augmenté", a-t-il prévenu.

A la mi-septembre, le Quotidien du Peuple avait argué de la nécessité pour Pékin de renforcer ses recherches sur le réchauffement de la planète. "Sur le problème mondial du changement climatique, la Chine doit continuer à faire entendre sa voix forte et responsable", proclamait l’organe du Parti communiste. La République populaire était déjà parvenue à des conclusions alarmantes dans son propre rapport d’évaluation des effets du changement climatique sur son territoire et sur les moyens de l’atténuer, rendu par le gouvernement à l’automne 2012.

Premier émetteur de CO2 de la planète, la Chine s’est engagée en 2009 à réduire ses émissions carbone de 45 % à l’horizon 2020 par rapport aux niveaux de 2005. Le gouvernement a promis au début du mois de septembre de baisser la part du charbon à 65 % du "mix" énergétique chinois en 2017, alors qu’elle était de 66,8 % en 2012, selon les chiffres officiels.

Au Brésil :

Le gouvernement n’a pas davantage commenté le rapport du GIEC mais les médias et réseaux sociaux brésiliens s’en sont largement emparé. Dans un pays où la question environnementale fait l’objet d’âpres débats, notamment à cause des pressions exercées par les puissantes compagnies minières et le front agropécuaire, le ton est à l’urgence climatique. Carlos Rittl, coordinateur du Programme des changements climatiques au WWF Brésil, a pointé l’augmentation des précipitations dans les régions déjà à fortes pluies et la diminution de l’humidité dans les zones sèches. "Au Brésil, a-t-il précisé, le semi-aride peut devenir plus aride alors que le sud et le sud-est peuvent avoir des précipitations plus abondantes qu’aujourd’hui."

Le quotidien O Estado de S. Paulo va plus loin. Il reprend les résultats d’une étude du panel brésilien des changements climatiques (PBMC), publiée le 9 septembre, pour les comparer et les prolonger avec les données du GIEC. La projection obtenue indique, dans le scénario le plus optimiste d’ici à 2100, une augmentation de la température moyenne de 0,5 °C (centre-sud) à 1,5 °C (nord, nord-est et centre-ouest) et une élévation de 3 °C (sud et du littoral nord-est) à 7 °C (Amazonie) dans le pire des cas.

Greenpeace Brésil a eu tôt fait de dénoncer la multiplication des investissements dans les combustibles fossiles qui émettent des gaz à effet de serre. "Contre toutes les évidences, insiste son directeur Sergio Leitao, le pays insiste dans cette voie et s’apprête même à lancer sa première enchère des lots des bassins pétroliers en eaux très profondes de l’Atlantique, le pré-sal, une activité risquée, dangereuse et polluante, qui pourrait placer le pays parmi les plus grands émetteurs au monde."

Aux Etats-Unis :

Dès la publication du rapport alarmiste des experts du GIEC, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry a appelé la communauté internationale à un "sursaut", exigeant une action forte et une plus grande coopération. "Seule une action des humains peut sauver le monde des pires impacts" qu’ils ont sur la planète a-t-il défendu.

En France :

Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a lui aussi appelé à la "mobilisation générale" et souhaité que les nations parviennent en 2015 lors de la conférence sur le changement climatique qui se tiendra à Paris "à un accord ambitieux, permettant de limiter le réchauffement climatique à 2 °C d’ici la fin du siècle".

Source : Le Monde

Crédits: AK-Project