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Intégrer les programmes d’adaptation au changement climatique à la RRC : un défi à relever

Réduction des risques de catastrophes : Suivre l’argent à la trace

Le monde prend la réduction des risques de catastrophes (RRC) très au sérieux aujourd’hui ; cela fera bientôt dix ans que le Cadre d’action de Hyogo a mis en valeur cette question. Le service chargé des activités de réduction des risques de catastrophes au sein de la Banque mondiale rassemblait auparavant 20 personnes ; il en compte désormais plus d’une centaine. Cependant, même aujourd’hui, les fonds consacrés aux activités de RRC ne représentent qu’une toute petite partie du financement de l’aide. Pour chaque neuf dollars dépensés dans la réponse aux catastrophes, seul un dollar est investi dans la prévention et la préparation. Et, selon un nouveau rapport, pour chaque 100 dollars consacrés à l’aide au développement, seul 0,40 dollar sert à protéger cette aide de l’impact des catastrophes.

Le rapport, intitulé « Financing Disaster Risk Reduction » (financer la réduction des risques de catastrophes), est le résultat de calculs complexes réalisés par la Facilité globale de réduction des effets des catastrophes et de relèvement (GFDRR) de la Banque mondiale et l’Institut de développement d’outre-mer (Overseas Development Institute, ODI), qui a effectué un suivi du financement de la RRC au cours de ces 20 dernières années – provenance et destination de l’argent. Selon le rapport, les financements ont été versés par un nombre relativement peu important de bailleurs de fonds et ils ont été en grande partie alloués à un petit groupe de pays, dont plusieurs inattendus.

La majorité des financements émanent de la Banque mondiale, de la Banque asiatique de développement et du Japon, seul bailleur de fonds national qui, de par sa situation géographique, est confronté aux tremblements de terre, aux tsunamis et aux éruptions volcaniques. (Le Japon a organisé la rencontre de Hyogo en 2005.)

Selon le rapport, les pays à revenu intermédiaire sont les principaux bénéficiaires de l’aide. La Chine et l’Indonésie sont en tête du classement, et le Bangladesh est le seul pays parmi les pays les plus pauvres à figurer dans les 10 premières places.

Protéger les biens, pas les populations

« Il existe une certaine corrélation entre les niveaux de risque de mortalité et les volumes de financement, mais uniquement au niveau de risque élevé », indique le rapport.

L’Indice de risque de mortalité (IRM), publié par la Stratégie internationale des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophes (UNISDR), évalue la vulnérabilité des pays à divers risques, y compris les tempêtes tropicales, les inondations, les tremblements de terre et les glissements de terrain. Le Bangladesh, la Chine et l’Indonésie figurent aux premiers rangs de l’IRM, et ils reçoivent une aide substantielle pour les activités de RRC. Cependant, les pays où les risques sont moindres, comme l’Argentine, le Brésil, le Mexique et la Turquie ont également bénéficié d’une aide importante pour leurs projets de RRC, tandis que des pays plus exposés aux risques comme l’Afghanistan, le Costa Rica, l’Éthiopie, le Myanmar et la Sierra Leone n’ont quasiment rien reçu.

Jan Kellett de l’ODI, un des principaux auteurs du rapport, souligne que les efforts se sont portés sur la protection des actifs économiques plutôt que sur la protection des populations.

« Une économie modeste à risque et une population importante à risque : très peu d’argent », dit-il. « Le Népal, le Malawi, le Niger, l’Éthiopie, le Burkina Faso, l’Afghanistan reçoivent tous moins de deux dollars par habitant. Donc une population importante à risque ne semble pas attirer de financements pour les activités de RRC ».

La problématique des étiquettes

Les auteurs du rapport soulignent qu’il leur a été difficile de compiler le rapport, notamment parce qu’il est difficile de déterminer ce qui relève des dépenses de RRC et la manière dont elles sont bien souvent rapportées.

Dom Hunt, conseiller en réduction des risques de catastrophes pour Concern, s’est penché sur le cas du Pakistan. Il a dit à IRIN : « Par exemple, après les inondations, nous avons reconstruit les maisons, donc il est possible que cela ait été inclus sous la ligne budgétaire ‘abris et reconstruction’. Mais dans les faits, une bonne partie des abris étaient érigés sur des plateformes surélevées ; le tiers inférieur de l’édifice était résistant à l’eau, et il était conçu pour faire aux futures inondations de faible et de moyenne intensité. Il en va de même pour l’eau et l’assainissement. Si on surélève une latrine, on indique seulement le coût de la latrine, alors comment peut-on savoir combien d’argent a été consacré à la RRC ? La réponse, c’est qu’on ne peut pas le savoir ».

Au début de la période considérée, plusieurs grands projets de prévention des inondations étaient en cours, ce qui peut avoir faussé les chiffres. Au cours des cinq dernières années de la période, le montant de l’aide alloué à la RRC a augmenté lentement, mais les dépenses se sont équilibrées, avec la mise en place de davantage de projets de petite taille, de davantage de mesures de RRC intégrées dans les projets de reconstruction et de développement, avec une portée géographique plus large.

L’avènement du financement de l’adaptation au changement climatique a eu un impact positif ; une grande partie de ces financements sont alloués aux petits États insulaires en développement. François Ghesquiere, directeur du secrétariat du GFDRR de la Banque mondiale, dit que le défi va consister à intégrer les programmes d’adaptation au changement climatique à la RRC.

« Selon moi, nous pouvons apporter des améliorations afin de mieux aligner les financements pour l’adaptation au changement climatique sur les financements pour la RRC », a-t-il dit. « Si vous vous rendez dans les îles Salomon, vous verrez que le gouvernement est petit, mais qu’il y a un département responsable de l’adaptation au changement climatique et un département responsable de la gestion des risques de catastrophes. Étant donné qu’ils ont deux sources de financement différentes et qu’ils ne souhaitent pas mettre en commun leurs ressources, ils ne se parlent pas et ils ont développé des langages complètement différents pour parler des mêmes sujets ».

L’autre changement intervenu au cours de ces 20 dernières années concerne la mesure dans laquelle les pays investissent leurs fonds propres dans la planification des catastrophes et la réduction des risques. M. Ghesquiere indique qu’il a constaté un véritable changement d’attitude de la part des ministres des Finances. Le travail d’évaluation des risques effectué par les sociétés financières et le secteur des assurances a eu un impact ; par exemple, les ministres commencent à comprendre ce que se trouver sur une faille sismique veut dire pour l’économie de leur pays, a dit M. Ghesquiere. Les pays à revenu intermédiaire financement eux-mêmes la majorité de leurs activités de RRC.

Les plus pauvres et les plus vulnérables

Mais bon nombre de pays parmi les plus pauvres et les plus vulnérables déploient peu d’efforts pour se préparer aux catastrophes.

Joel Hafvenstein, ancien directeur du programme Tear Fund en Afghanistan, dit qu’il peut témoigner des défis que posent le travail de RRC en Afghanistan et de la difficulté d’obtenir des financements des bailleurs de fonds pour travailler dans le pays. Il indique cependant que la population est prête à prendre en charge ces projets.

« On peut faire un travail de réduction des risques intéressant au niveau de la communauté, y compris dans des pays comme l’Afghanistan. Nous avons vu des communautés se mobiliser et discuter des raisons pour lesquelles elles sont affectées par les catastrophes. Il faut dépasser l’idée qu’il ne s’agit que d’un acte de Dieu ou d’un acte de la nature contre lequel ils ne peuvent rien. Ils disent, par exemple, ‘Si nous nous rassemblons et que nous construisons un mur de protection ici, cela nous permettrait de protéger les parties les plus importantes de nos terres – alors pourquoi ne le faisons-nous pas ?’ », a expliqué M. Hafvenstein.

« C’est au niveau communautaire que les bénéfices se feront ressentir, y compris dans les lieux qui connaissent des problèmes de gouvernance. Il est plus risqué d’essayer d’élaborer des politiques locales et nationales dans les zones où la gouvernance est divisée, mais je pense qu’il faut investir dans certains de ces projets à risques plus élevés, car il y a des gouvernements locaux afghans qui ont de bonnes intentions, mais ils sont entravés par leur manque de connaissances et de ressources ».

Source : IRIN

Crédits: AK-Project