Nous, délégués du 5e Forum paysan, représentant les organisations de petits producteurs et nous exprimant au nom de millions de petits paysans, pêcheurs artisanaux, pastoralistes, éleveurs et communautés autochtones, formulons la présente déclaration afin de communiquer nos vues et nos propositions au FIDA, ainsi qu’à ses organes directeurs.
Le FIDA a été fondé en 1977 avec pour mandat de travailler pour les pauvres ruraux. Avec la création du Forum paysan, en 2005, il a commencé à travailler avec les pauvres ruraux. A cette époque, le FIDA était en avance sur le reste du système des Nations Unies, en raison de son ouverture à la tenue d’un dialogue systématique avec les organisations représentant les bénéficiaires ultimes de son action. Depuis lors, le partenariat entre le FIDA et les organisations de producteurs à petite échelle (OP) a signifié d’importants bénéfices mutuels. L’image du FIDA, ses méthodes de travail et l’efficacité de ses programmes ont bénéficié de son association avec les organisations de producteurs. De notre côté, nous avons eu l’opportunité de porter nos préoccupations à la connaissance des organes directeurs et du personnel du FIDA, et d’accéder à des fonds pour nos programmes de renforcement des capacités.
Mais le monde n’est pas resté immobile au cours de la dernière décennie. Depuis la crise alimentaire de 2007, l’agriculture s’est hissée au sommet des priorités internationales et les producteurs à petite échelle sont maintenant l’objet de l’attention de tout le monde. Le changement climatique, la dégradation de l’environnement , les conflits, la crise agraire, les vagues de suicides dans de nombreuses régions, la désertification, la pénurie d’eau, les problèmes sanitaires liés à l’alimentation , les produits chimiques toxiques, le scandale des accaparements de terres, les déchets alimentaires et la spéculation sur les matières premières ont mis au jour la non-viabilité d’un système alimentaire basé sur la production agricole industrielle et des chaînes de valeur mondialisées récompensant tous les acteurs , à l’exception des producteurs et des consommateurs. Dans le même temps, nous continuons de renforcer la capacité de nos organisations à promouvoir des propositions alternatives de modèles de production agro-écologiques durables et de systèmes alimentaires équitables aux niveaux local, national et régional. Nous avons multiplié et capitalisé les innombrables pratiques résilientes que nos membres développent dans toutes les régions du monde. Sur le plan de la gouvernance, la réforme du Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale (CSA) a établi une nouvelle norme pour la participation au processus décisionnel des groupes les plus affectés par l’insécurité alimentaire et la malnutrition.
De nouveaux défis et de nouvelles opportunités ont vu le jour avec ce partenariat – le Forum paysan – que le FIDA a établi avec nous il y a près d’une décennie. Si nous ne les saisissons pas, notre collaboration risque de stagner. Si nous les saisissons, ensemble, nous pourrons apporter des contributions significatives pour résoudre certains des problèmes les plus graves auxquels le monde est aujourd’hui confronté. A l’occasion de cette année, l’Année internationale de l’agriculture familiale, le temps est venu d’agir. C’est dans cette intention que nous avançons les propositions suivantes.
Nous appelons le FIDA à travailler avec nous à :
Le FIDA devrait informer et impliquer les organisations paysannes de façon plus systématique en ce qui concerne toutes les initiatives qu’il entreprend dans un pays.
Les bureaux nationaux et les missions du FIDA devraient systématiquement prendre contact avec elles. Les organisations paysannes devraient être dotées d’une plus grande capacité d’analyse indépendante, d’évaluation critique et de suivi. Chaque projet devrait mettre de coté des ressources spécifiques afin de permettre aux organisations paysannes de contribuer aux processus d’élaboration et de supervision, plutôt que de faire appel à des consultants externes.
Nous déclarons notre disposition à nous engager auprès des équipes de gestion de programmes pays du FIDA.
Il est nécessaire d’accorder une plus grande attention aux éleveurs et pastoralistes ;
nous recommandons la tenue d’une session spéciale sur les questions d’élevage et de pastoralisme lors du prochain Forum paysan. Il convient de mettre en place un programme global de dons pour le soutien direct aux organisations de paysans et de pêcheurs afin d’accroître leur capacité dans les domaines politique et économique et de soutenir leurs initiatives. Ce programme devrait inclure des programmes spécifiques pour les femmes et les jeunes, y compris l’établissement de volets dédiés à ces derniers, ainsi qu’à leur leadership et au développement de leurs capacités, ainsi que des écoles et des centres de formation à la petite agriculture et des modules de formation sur l’agroécologie pour le système d’enseignement agricole.
Renforcer l’interaction entre le Forum paysan et la gouvernance du FIDA
Nous appelons les gouvernements à :
Résoudre la crise agraire, notamment en utilisant de manière efficace les ressources mises à disposition par le FIDA et en mettant en oeuvre les Directives du CSA sur les régimes fonciers, les Directives de la FAO visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale, en mettant en oeuvre des reformes agraires et aquatiques et en investissant dans la production à petite échelle, y compris dans des infrastructures appropriées et des facilités de crédit.
Continuer de soutenir le FIDA comme une institution clé canalisant les ressources vers le secteur de la production alimentaire à petite échelle, en rendant disponible, dans les années à venir, les ressources nécessaires pour développer un agenda ambitieux, qui sera lancé en cette Année internationale de l’agriculture familiale,
Mettre en oeuvre les décisions prises par le CSA et la CIRADR (Conférence internationale sur la réforme agraire et le développement rural), ainsi que les résultats de l’Évaluation internationale des connaissances, des sciences et des technologies agricoles pour le développement (IAASTD), en demandant le soutien du FIDA, si nécessaire, et les utiliser comme orientation centrale pour les programmes et projets du FIDA,
Impliquer les organisations de petits producteurs dans l’élaboration et la mise en oeuvre de tous les programmes et projets du FIDA ainsi que dans les équipes de gestion des programmes pays du FIDA.
Donner une priorité particulière aux femmes et aux jeunes, en leur qualité d’éléments clés de la production d’aliments à petite échelle.
Nous appelons nos organisations à :
S’engager à travailler ensemble dans la solidarité et la confiance mutuelle, et à promouvoir notre agenda commun sur la petite production vivrière ;
Continuer à construire nos organisations, à renforcer notre capacité à prendre part de façon efficace dans les dialogues et collaborations avec les gouvernements nationaux ainsi qu’avec les institutions régionales et internationales – y compris le
FIDA –et renforcer nos capacités à fournir des services à nos membres.
Créer un espace pour les femmes et les jeunes afin qu’ils acquièrent un espace efficace dans nos organisations et que leurs préoccupations fassent l’objet d’une priorité dans notre travail,
Viser une participation des femmes et des jeunes de 50 et 30 %, respectivement, lors de la prochaine réunion mondiale du Forum paysan.