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Cote d'Ivoire: La filière coton à l'épreuve du marché mondial et de la contrebande

Abidjan — Pour la campagne cotonnière 2013-2014, l’Association interprofessionnelle de la filière coton (Intercoton) en Côte d’Ivoire a fixé le prix d’achat aux producteurs du kilogramme de coton-graine à 250 francs CFA (0,5 dollar) pour le premier choix et 225 FCFA (0,45 dollars) pour le second choix.

Ces prix annoncés le 13 mai à Bouaké (centre du pays), sont en légère baisse par rapport aux deux précédentes campagnes, qui était de 265 FCFA (0,53 dollar) le kg pour le premier choix et 240 FCFA (0,48 dollar) pour le second choix.

Pour la campagne 2012-2013 qui vient de s’achever, l’Intercoton annonce que la Côte d’Ivoire a produit 340.000 tonnes de coton-graine, contre 260.000 tonnes en 2011-2012. Et 400.000 tonnes sont attendues pour la campagne 2013-2014.

Toutefois, ils sont meilleurs à ceux du Burkina Faso voisin, redevenu en 2012-2013 le premier producteur d’Afrique subsaharienne de coton avec une production de 630.000 tonnes de coton-graine. Les prix y ont été fixés à 235 FCFA (0,47 dollar) le kg pour le premier choix et à 210 FCFA (0,42 dollar) pour le second par l’Association interprofessionnelle du coton du Burkina.

"Avec les nouveaux prix, 64,80 pour cent des recettes reviendront aux producteurs", a déclaré Lacina Tuo, président du Conseil d’administration de l’Intercoton, le 13 mai, à Bouaké.

Mais Tuo n’a pas caché le fait que le contexte économique, marqué par la baisse continuelle des cours de coton sur le marché mondial, a contribué à cette réduction des prix. Ceux-ci sont passés de 5.063 dollars la tonne de coton-fibre en mars 2011 à environ 2.600 dollars la tonne entre avril-mai 2013.

"Avec la fin de la décennie de crise (2002-2011) et le retour à la coton-culture, on pensait la relance en marche. Mais là, l’or blanc est confronté à des difficultés qui risquent de freiner son envol", relève André Coulibaly, un économiste basé à Abidjan, la capitale économique ivoirienne.

Outre la chute des cours mondiaux, le secteur du coton est aussi menacé par une mauvaise maîtrise, par les acteurs, de la libéralisation du secteur, la forte hausse du prix des intrants et par la contrebande, explique-t-il à IPS.

"L’une des conséquences de ces problèmes est le fait que la subvention de sept milliards FCFA accordée par l’Etat à la filière n’a pas eu l’effet escompté. Sinon, les (anciens) prix d’achat auraient été maintenus", affirme Coulibaly. Il ajoute que les choses ne changeront pas, même si on réduisait de 25 pour cent le prix des intrants. Cette réduction est annoncée pour les semis de la campagne 2013-2014 en cours.

"En fait, certains producteurs ont conservé leurs habitudes d’écouler leurs produits vers des pays limitrophes", révèle Sirata Soro, coton-culteur à Napié, dans le nord de la Côte d’Ivoire. "Lorsque les prix d’achat ont chuté pendant la rébellion, ils se sont tournés vers d’autres pays, des réseaux se sont tissés. Alors bien qu’ils bénéficient de l’aide de l’Etat, ils y envoient toujours leurs productions", ajoute-t-il à IPS.

Son compagnon, Zié Coulibaly, estime qu’il faut mettre fin à ce phénomène ancien. Selon lui, la contrebande du coton a toujours été menée de façon volontaire et individuelle par des paysans, sans aucune contrainte. "Nous avons toujours travaillé avec les entreprises cotonnières. Il n’a jamais été question de le faire pour un individu quelconque", souligne-t-il à IPS.

Le 28 avril, dans un rapport, des experts des Nations Unies ont dénoncé de nombreux trafics de coton, d’anacarde, de cacao, de diamant... auxquels se livrent des anciens chefs de guerre de l’ex-rébellion en Côte d’Ivoire, aujourd’hui nommés à de hauts postes de responsabilité dans l’armée ivoirienne.

Il s’agit de Martin Kouakou Fofié, Issiaka Ouattara, Hervé Touré, Zakaria Koné et Chérif Ousmane, indique le rapport.

Selon le rapport, la contrebande, menée par ces ex-chefs rebelles, concerne, pour le secteur du coton, près du tiers de la production convoyée vers les pays frontaliers que sont le Mali et le Burkina Faso.

Le rapport mentionne également la noix de cajou dont la contrebande fait perdre annuellement 130 millions de dollars à l’économie ivoirienne.

Tenus actuellement par un devoir de réserve, les militaires mis en cause ne se sont pas prononcés sur ces accusations. Cependant, le ministre de la Justice, Gnénéma Coulibaly, a appelé les experts de l’ONU à fournir les preuves de leurs accusations pour permettre au gouvernement de donner une suite.

Pour sa part, le président ivoirien, Alassane Ouattara, a profité d’une récente visite dans l’ouest du pays, début-mai, pour inviter les Nations Unies à mettre le rapport à la disposition de la Côte d’Ivoire pour des observations.

Mais selon l’Autorité de régulation du coton et l’anacarde (ARECA), en 2011, la sortie frauduleuse de coton et de l’anacarde hors des frontières ivoiriennes, se chiffrait à 100.000 tonnes pour un manque à gagner estimé à quelque 10 milliards FCFA (environ 20 millions de dollars) pour l’Etat.

"C’est dire que la contrebande existe et s’intensifie peut-être. Reste à savoir qui sont réellement les animateurs de ces trafics qui constituent un danger pour l’embellie économique actuelle", estime Frédéric Angaman, un économiste basé à Abidjan.

Culture commerciale pratiquée dans le centre et le nord de la Côte d’voire, le coton emploie environ 97.000 personnes et fait vivre directement et indirectement quelque trois millions d’autres, selon l’ARECA.

Source : IPS

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Crédits: AK-Project