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Cote d'Ivoire: Karité - Une filière porteuse, mais peu structurée

Le Karité, arbre qui pousse de manière sauvage dans les régions de savanes arborées, en Afrique de l’ouest, produit en moyenne 25 kg de fruits comestibles. De ces fruits, est extrait le beurre de karité, produit très prisé par les femmes à l’instar des autres pays producteurs de la sous-région. D’où la dénomination « l’or des femmes ».

Mais le véritable problème dans cette filière est le manque d’organisation, l’anarchie dans la fixation du prix de vente du produit, du prix à l’exportation, etc.

Même si la filière a des insuffisances au niveau de sa structuration, le rapport de l’Agence des États-Unis pour le développement international ou encore United states agency for international development (Usaid) évaluait déjà la production du karité en Côte d’Ivoire entre 150.000 à 200.000 tonnes en 2007.

« Cela veut dire que le pays a largement dépassé ce tonnage en 2014 », devine aisément le président de Karité Afrique par ailleurs président de l’interprofession karité en Côte d’Ivoire, Ali Kéita. Même s’il reconnaît que la Côte d’Ivoire n’a pas de statistiques fiables concernant la production du beurre de karité.

Dans la région de Doropo, l’un des grands carrefours de vente du beurre de karité, la dextérité avec laquelle les femmes travaillent le fruit du karité ne nous a pas laissé indifférent.

Et le constat qu’on a dû faire, c’est que, de façon traditionnelle, la fabrication du beurre de karité se fait en neuf grandes étapes : la récolte des noix, le dépulpage, le lavage et la cuisson, le conditionnement et la conservation, le décorticage, le lavage et le broyage des amandes, l’extraction, la cuisson enfin la conservation.

En d’autres termes, les noix de karité récoltées entre juin et mi-septembre sont débarrassées de la pulpe (élimination à la main de la pulpe qui entoure le noyau contenant l’amande après chaque collecte).

Ensuite, la noix est lavée, séchée et cuite pour débarrasser, dit-on, les enzymes hydrosolubles. Après vient le conditionnement dans des sacs et la conservation à une température ambiante ; le sac ne doit pas être en contact avec le sol.

S’ensuit le décorticage de la noix à l’aide des décortiqueuses ou à la main dans un mortier (les coques sont enlevées pour obtenir les amandes).

A leur tour, les amandes sont lavées et séchées, avant d’être broyées au moulin. Où on obtient par la suite une patte fine. La pâte est barattée avec de l’eau et fait ressortir une matière grasse qui donne le beurre de karité.

Ce beurre est par la suite pressé et filtré plusieurs fois. Mais ce n’est pas tout, il faut aussi ajouter l’eau tiède et froide à cette patte, la ménager jusqu’à ce qu’elle devienne blanchâtre. Ajouter de l’eau pour récupérer la mousse à la surface.

Cette émulsion est lavée une fois pour débarrasser les morceaux d’amandes. Puis chauffée à nouveau dans une marmite contenant de l’eau pendant 15 minutes. On ajoute à nouveau de l’eau après le chauffage et enfin on récupère l’huile à la surface de l’eau.

Mais, quand il s’agit de parler de la vente de leur « or », les productrices font la grise mine ,ou soupirent. Certaines parmi elles ont le regard à terre, d’autres par contre expriment une satisfaction au niveau des charges familiales.

« C’est avec ce peu d’argent que je gagne qui me permet d’assurer les charges familiales, parce que mon mari n’est plus de ce monde », avance Sié Hélène. « Ce qui est sûr on n’arrive à vendre, mais le prix n’est pas satisfaisant », tranche leur porte-parole, Sansan Awa.

En effet, à Doropo comme à Nassian et à Téhini, les femmes produisent le beurre de karité de façon artisanale.

Et subissent la loi des pisteurs dont on dit qu’ils sont la plupart du temps commissionnés par des grands opérateurs tapis dans l’ombre. « Ils nous achètent l’amande de karité à 85 Fcfa /kg parfois même à 75Fcfa/kg ».

Cependant, les femmes témoignent qu’elles préfèrent plus travailler le fruit pour obtenir le beurre de karité qu’elles vendent à 600Fcfa/kg.

L’une d’elles nous raconte par contre qu’une femme de la région du Bounkani, Ouattara Djené Daré, a pu faire du beurre de karité une véritable activité en France. Là-bas elle a mis sur le marché un produit cosmétique à base de karité nommé « Bounabio ». Cette gamme de produit, soutient-elle se vend même en pharmacie.

« Si on pouvait faire comme elle », dit Hien Sié. « N’oublie pas que tu es analphabète, elle au moins elle a eu la chance d’être scolarisée », plaisante Sansan Awa.

Mais, ici comme dans les régions productrices, l’Etat n’a pas un droit de regard sur la filière. Alors, "certains acheteurs imposent leur diktat. Ils passent par d’autres moyens pour exploiter les femmes.

Ils les forment seulement sur le traitement de l’amande, puisqu’ils les commandent avec elles. Et vont les revendre très cher aux holdings ", souligne Silué Drissa, transporteur dans le domaine.

« Ces personnes ont souhaité même que le ministère de l’agriculture ne puisse pas s’ingérer dans cette affaire, parce que ça leur profite », lance le président de l’interprofession karité.

En plus, aucune taxe n’est prélevée, selon lui, par l’Etat sur ces camions qui viennent charger des centaines de tonnes d’amandes de beurre de karité à Doropo. Vu le nombre de camion commis au chargement, il soutient que près de 40.000 tonnes de beurre de karité sont exportées vers les autres pays.

Considéré par certains comme le troisième produit d’exportation dans le nord, après le coton et l’anacarde, le karité est exploité par 20.000 femmes en Côte d’Ivoire et 300.000 femmes en Afrique de l’ouest. Mais elles ne sont pas pour la plupart organisées.

Ce qui affaiblit leur pouvoir de décision devant les opérateurs. « Parfois, ils nous imposent des prix très en deçà (75Fcfa) de la norme dans notre zone, quand on refuse ils vont vers d’autres personnes pour s’approvisionner. Alors que si on était organisé on allait toutes afficher le même prix ».

Pour ce faire, l’interprofession envisage de structurer le secteur, en permettant aux femmes d’être en coopérative et d’avoir des petites unités de production.

Aussi, elle encourage les paysans à s’investir dans la culture du karité, de sorte à la rendre plus professionnelle.

Car, la plupart du temps, l’arbre pousse de façon sauvage dans les champs. Ce qui avait, auparavant, interpellé le ministère des eaux et forêt qui ne la considérait pas comme une culture de rente, au même titre que le coton et l’anacarde.

Mais, en réalité, le produit est exportable. Et le gouvernement, par le biais du ministère de l’agriculture devrait sensibiliser à la vulgarisation et à l’organisation de cette culture.

Afin d’avoir une plus-value sur l’exportation. Dans la mesure où, lors de la conférence mondiale sur le karité, à l’hôtel du Golf d’Abidjan Cocody, les experts estimaient à plus de 5.000.000 de tonnes, les besoins en beurre de karité sur le plan international.

Par Kamagaté Issouf

Source : www.fratmat.info

Crédits: AK-Project