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Cameroun: Incohérences dans la modernisation du secteur agro-écologique

Avis et opinions, par Makon Ma Pondi

Beaucoup a été dit depuis des années, particulièrement depuis le comice agropastoral d’Ebolowa en janvier 2011, sur l’impérieuse nécessité d’aller vers une modernisation efficiente de cet important secteur d’activité. A l’origine, des constats simples, mais très édifiants. A commencer par celui-ci : la capacité de production du Cameroun dans ce domaine est largement sous-exploitée. En d’autres termes, dans les cinq zones agro-écologiques qui le composent, notre pays présente des atouts déterminants pour être une puissance agricole dans la sous-région. Force est de constater cependant que cette puissance est demeurée virtuelle. Et pour cause ! Incohérences aussi étonnantes que cruelles dans les choix stratégiques.

Nous avons appris ahuris, voire abasourdis, il y a peu, que les pouvoirs publics peinent à ériger le premier lycée agricole du pays du côté de Yabassi. Comment peut-on raisonnablement ambitionner de construire une agriculture de « seconde génération », sans se donner les préalables et les moyens appropriés en vue de garantir le succès de cette option ? Alors qu’une majorité significative de la population - 60 % selon certaines estimations - vit de l’agriculture, il est absolument aberrant de constater que le secteur est absent de notre système scolaire et éducatif, notamment dans le secteur public. Les établissements formant dans ces filières jusqu’ici relevant exclusivement d’initiatives privées. Le cas du collège Bullier d’Obala, œuvre de l’église catholique locale.

Est-ce ainsi que l’on pourra efficacement valoriser l’agriculture qui, selon le diagnostic du chef de l’Etat, « devrait être le premier pourvoyeur d’emplois » ? Rien n’est moins sûr. A moins de tenir ce pan de l’économie pour quantité négligeable, une « mare aux diables » réservée aux rebuts de la société. Ce qui, bien sûr, relèverait d’une incomparable ignorance, d’une appréciation boîteuse, de choix défaillants et indécis. Toutes choses qui ont conduit à la situation peu reluisante qu’on sait aujourd’hui : le Cameroun continue d’importer massivement des denrées alimentaires. Avec, à la clé, une lourde saignée de devises. Alors que, judicieusement exploités, les périmètres irrigués de Lagdo à eux seuls suffiraient à couvrir une large proportion des besoins nationaux en céréales. Problème : les querelles foncières nourries par des conflits d’intérêt non-tranchés ont conduit à une paralysante inertie.

En un mot comme en mille, il est urgent de penser une refondation de l’agriculture, afin que celle-ci tienne pleinement son rôle de moteur de la croissance et du développement du pays. Sans un secteur agricole suffisamment solide, l’émergence espérée et attendue à plus ou moins brève échéance ne serait que leurre et vaine illusion. « Les greniers avant la comète », selon la ravissante formule d’un économiste bien au fait de nos réalités. La refondation préconisée devant passer nécessairement par une meilleure prise en compte du secteur dans le programme global de formation des jeunes Camerounais, une plus grande synergie des politiques conduites par diverses administrations et autres démembrements de l’Etat.

Dans cette perspective, d’aucuns suggèrent pas moins qu’une loi d’orientation spécifique. Sans compter une indispensable structuration du monde rural devant permettre une meilleure valorisation du statut social de ces « seigneurs de la terre » sans l’action bienfaisante desquels notre vie à tous ne serait que tourments et vicissitudes. Pour donner toute sa place et toutes ses chances à l’agriculture dans notre système de production, il importe que les pouvoirs publics, sans aller à une révolution, s’astreignent à des révisions audacieuses. C’est le moyen de garantir au pays des lendemains meilleurs, en lui permettant de partir sur des bases solides.

Par Makon Ma Pondi

Source : Cameroon Tribune / allAfrica

Crédits: AK-Project