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Afrique : La sécurité alimentaire doit être au centre du développement dans le continent

L’Afrique subsaharienne ne pourra pas maintenir sa reprise économique actuelle si elle n’élimine pas la faim, qui touche presque un quart de sa population. C’est une des conclusions avancées par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dans son Rapport sur le développement humain en Afrique, qui vient d’être lancé.

« La croissance économique ne suffit pas à elle seule pour mettre un terme à la faim. Au-delà de la croissance, nous devons nous focaliser sur les approches de la sécurité alimentaire axées sur la population », a déclaré Helen Clark, l’Administrateur du PNUD, à l’occasion du lancement, ce jour, du rapport intitulé Vers une sécurité alimentaire durable, en présence de Mwai Kibaki, le président de la République du Kenya.

Le Rapport affirme qu’il est impossible d’espérer s’affranchir de l’insécurité alimentaire par un effort exclusivement centré sur l’agriculture. Il appelle à convenir d’une nouvelle approche couvrant de multiples secteurs, allant de l’infrastructure rurale aux services de santé, englobant de nouvelles formes de protection sociale et permettant d’aboutir à l’autonomisation des communautés locales. Afin de garantir la sécurité alimentaire pour tous, il importe de veiller à ce que la voix des populations pauvres et vulnérables soit mieux relayée, grâce au renforcement des gouvernements locaux et des groupes de la société civile.

Le Rapport souligne que le rythme rapide du changement et la nouvelle vitalité économique du continent sont autant de circonstances particulièrement opportunes pour agir.

La faim malgré l’abondance

« Il est paradoxal que dans un monde d’excédents alimentaires, la faim et la malnutrition soient aussi omniprésentes sur un continent aux richesses agricoles si étendues », a indiqué Tegegnework Gettu, le directeur du Bureau régional pour l’Afrique du PNUD. Une autre contradiction frappante résulte de ce que les taux élevés de la croissance économique en Afrique subsaharienne au cours des dernières années, dont la progression a été parmi les plus rapides au monde, conjugués à l’augmentation de l’espérance de vie et de la scolarisation n’ont pas conduit à des améliorations dans la même proportion en matière de sécurité alimentaire.

Avec plus d’un quart de ses 856 millions d’habitants souffrant de malnutrition, l’Afrique subsaharienne reste la région du monde la plus touchée par l’insécurité alimentaire. Actuellement, plus de 15 millions de personnes sont menacées par la faim dans le seul Sahel, qui couvre les pays situés dans la région semi-aride entre le Sénégal et le Tchad ; et une population tout aussi importante dans la Corne de l’Afrique reste vulnérable après la crise alimentaire qui a frappé, l’an passé, Djibouti, l’Éthiopie, le Kenya et la Somalie.

La faim et les périodes prolongées de malnutrition produisent non seulement de terribles ravages dans les familles et les communautés à court terme, mais elles laissent également un lourd héritage aux futures générations, qui porte durablement atteinte aux moyens de subsistance et réduit à néant les gains du développement humain.

La sécurité alimentaire existe, selon la définition établie lors du Sommet mondial de l’alimentation en 1996, lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active.

La liberté d’être à l’abri de la faim permet à ceux qui en bénéficient de mener une vie productive et de réaliser leur plein potentiel. En retour, les niveaux élevés du développement humain peuvent améliorer d’autant plus la disponibilité de la nourriture, créant un cycle vertueux pour tous.

Politiques visant à favoriser la sécurité alimentaire

« La construction d’un avenir où tous les africains pourront jouir d’une plus grande sécurité alimentaire n’est envisageable que si les efforts déployés couvrent l’agenda du développement tout entier », a déclaré Helen Clark.

Tout en reconnaissant qu’il n’y a pas de solution miracle, le Rapport soutient qu’il est possible de réaliser la sécurité alimentaire en adoptant des mesures immédiates dans quatre domaines critiques :

Amélioration de la productivité agricole : Face à l’accroissement prévu de sa population, qui devrait dépasser les 2 milliards d’individus après 2050, l’Afrique subsaharienne sera amenée à augmenter sensiblement sa production alimentaire, tout en atténuant les contraintes que l’agriculture fait peser sur l’environnement.

Pour rompre avec des décennies de préjugés à l’encontre de l’agriculture et des femmes, les pays concernés doivent instaurer des politiques qui offrent aux agriculteurs les intrants, l’infrastructure et les incitations nécessaires pour les encourager à améliorer leur productivité.

Par ailleurs, il est particulièrement important d’encourager l’esprit d’entreprise et d’innovation parmi les jeunes en Afrique, une population en pleine croissance, afin de stimuler les économies rurales.

Compte tenu que les deux tiers des travailleurs africains tirent leur subsistance de la terre, les politiques visant à encourager la productivité agricole devraient stimuler la croissance économique, extirper les individus de la pauvreté par la création d’emplois et la génération de revenus, et augmenter leur capacité à épargner et à investir dans leur avenir. Ceci devrait aussi autoriser une exploitation plus durable des terres et des ressources en eau.

Ces mesures peuvent changer les choses. Ainsi, le Ghana a-t-il été le premier pays subsaharien à avoir réalisé le premier objectif du Millénaire pour le développement, qui consiste à réduire la pauvreté de moitié d’ici 2015, notamment en privilégiant l’adoption de politiques mises en place pour inciter les producteurs de cacao à accroître leur production. Quant au Malawi, il a réussi à transformer son déficit alimentaire en un excédent de 1,3 million de tonnes en deux ans, grâce à un vaste programme de subventions aux semences et aux engrais.

Accroissement de l’efficacité des politiques nutritionnelles : Les pays doivent développer des interventions coordonnées qui renforcent la nutrition tout en élargissant l’accès aux services en matière de santé, d’éducation, d’assainissement et d’approvisionnement en eau potable. Le Rapport s’appuie sur les résultats des recherches tendant à démontrer l’importance du niveau d’éducation des mères, considéré comme un facteur plus puissant que le revenu des ménages pour justifier des faibles taux de malnutrition chez les enfants.

Au Sénégal, des actions coordonnées et ciblées, conjointement menées par les différents ministères concernés, appuyés par une augmentation de la part allouée à la nutrition dans le budget national, ont permis d’abaisser les incidences de la malnutrition chez les enfants de 34 pour cent à 20 pour cent entre 1990 et 2005. Des efforts comparables menés en Tanzanie se sont traduits par des périodes de scolarisation plus longues pour les enfants dont les mères ont bénéficié de suppléments alimentaires durant les trois premiers mois de leur grossesse.

Renforcement de la résilience : En Afrique subsaharienne, transporter les produits du champ à l’assiette du consommateur est une opération fort risquée. Les pays concernés devraient prendre des mesures pour diminuer la vulnérabilité des populations et des communautés face aux catastrophes naturelles et aux conflits civils, aux changements saisonniers ou aux fluctuations volatiles des prix des produits alimentaires, et aux méfaits du changement climatique.

Le Rapport préconise la mise en place de programmes de protection sociale, tels que l’assurance-récolte, les programmes de garantie de l’emploi et de transferts d’espèces, qui sont autant de mesures susceptibles de protéger les populations de tous ces risques, et de leur permettre d’augmenter leurs revenus.

À titre d’exemple, le Kenya a mis au point un régime d’assurance contre la sécheresse qui indemnise les petits agricultures sur la base des niveaux de précipitations surveillés par les stations météorologiques. Un autre exemple est celui des foires d’intrants organisées au Mozambique, qui permettent de réapprovisionner les stocks de semences des familles touchées par la sécheresse.

Autonomisation et justice sociale : Selon le Rapport, la réalisation de la sécurité alimentaire en Afrique subsaharienne restera inaccessible tant que les populations pauvres vivant dans les régions rurales, et particulièrement les femmes, qui jouent un rôle majeur dans la production alimentaire, n’exerceront pas davantage de contrôle sur leur propre existence.

La garantie de l’accès à la terre, aux marchés et à l’information est une étape essentielle vers l’autonomisation. La réduction de la fracture entre les genres est particulièrement vitale à cet effet : lorsque les femmes pourront bénéficier des mêmes intrants que les hommes, les rendements agricoles augmenteront de plus de 20 pour cent.

L’accès à la technologie peut jouer un rôle majeur en faveur de la canalisation des opportunités vers les petits propriétaires terriens en réduisant les coûts des transactions et en renforçant leur pouvoir de négociation. La bourse du commerce éthiopienne (Ethiopia Commodity Exchange) utilise un système de messagerie textuelle pour diffuser les cours des denrées alimentaires aux agriculteurs, et reçoit quelque 20 000 appels par jour de la part de ces derniers, via le service d’assistance téléphonique spécialement mis en place pour répondre à leurs questions.

Cet accès doit s’accompagner d’une participation plus active au débat civique. En retour, ceci doit être couplé à une plus haute exigence d’obligation de rendre compte par les gouvernements et d’autres organisations.

Pendant trop longtemps, le visage de l’Afrique a été déformé par une faim déshumanisante. Le Rapport rappelle qu’il est grand temps d’agir afin de changer cet état de choses.

« L’Afrique possède les connaissances, la technologie et les moyens nécessaires pour mettre un terme à la faim et à l’insécurité alimentaire », affirme Tegegnework Gettu.

Le Rapport rappelle que le défi est de taille, le temps compté et l’investissement significatif, mais que les gains potentiels pour le développement humain dans la région sont immenses.

Source : Allafrica

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Crédits: AK-Project